On vous en avait parlé il y a quelques mois, et le verdict vient de tomber : le gouvernement a fait adopter au sein de son Projet de Loi de Finances 2023 la possibilité de mettre en place un reste à charge lors de l'utilisation du Compte Personnel de Formation (CPF), dès l’année prochaine.
Mais que contient ce texte de loi, vivement critiqué au sein même de la majorité ?
On vous dit tout dans cet article 👇
Pour suivre tout le déroulé du reste à charge, lisez notre article sur vos droits au CPF !
Samedi 17 Décembre 2022 a été adopté le projet de loi de finances pour 2023. Parmi les mesures adoptées se trouve la possibilité d’instaurer un reste à charge pour tout achat d’une formation par une personne qui souhaiterait utiliser son Compte Personnel de Formation (CPF).
Pour rappel, le CPF est un dispositif gouvernemental qui permet aux salariés de cotiser jusqu'à 500€ - somme pouvant alors être utilisée pour financer des formations professionnalisantes. Le CPF pouvait ainsi suffire à des salariés et à des demandeurs d'emploi pour financer de longues formations afin de monter en compétences, même se reconvertir. Depuis fin 2019, les droits CPF ont notamment permis le financement de plus de 5 millions de formations.
Pour le moment, les modalités de ce ticket modérateur restent encore à définir. En effet, dans l'article 212 du texte de loi figure la mention :
“Le titulaire participe au financement de la formation éligible dans les conditions fixées à l’article L. 6323-7.”
Or, l'article 6323-7 stipule :
“La participation mentionnée au I de l’article L6323-4 peut être proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire.
La participation n’est due ni par les demandeurs d’emploi ni par les titulaires de compte lorsque la formation fait l'objet d’un abondement prévu au 2° du II du même article L.6323.
Les modalités de mise en œuvre du présent article, notamment les conditions dans lesquelles la participation peut être prise en charge par un tiers, sont fixées par décret en Conseil d’État. “
👉 Tout cela reste donc encore assez vague, mais pour résumer :
Ainsi, la question de savoir si ce reste à charge prendra la forme d'un pourcentage ou plutôt d'un forfait reste encore assez floue. Des bruits de couloirs parlent d'un reste à charge de 20 à 30%, ce qui représenterait une somme assez considérable pour des formations pouvant être longues et donc onéreuses.
Par exemple, sur une formation à 2000€, cela reviendrait à débourser 400€ si le reste à charge s’élève à 20%, et 600€ s'il s'élève à 30%.
Les réactions critiques ont été immédiates, même au sein de la majorité.
Sur le fond, de nombreuses voix s’élèvent et critiquent cette réforme qui va à l'encontre du projet de montée en compétences des Français. Par exemple, celle de Muriel Pénicaud, ancienne Ministre du Travail de 2017 à 2020 et instigatrice du Compte Personnel de Formation. Elle déplore ainsi ce choix du gouvernement, en parlant “d’erreur sociale et économique”.
Elle ajoute, “Les plus modestes et les plus précaires, ceux qui ont le plus besoin de se former, ne pourront pas payer. (...) Le reste à charge est un contresens, à rebours de la marche de l’Histoire et des besoins de compétitivité”, dit-elle.
Mme Pénicaud considère ainsi que cette réforme va à rebours de la “vision transformatrice” d’Emmanuel Macron, qui avait poussé à la réforme du CPF en 2019.
En effet, en 2019, les crédits en heures avaient été transformés en euros pour libéraliser l’accès à la formation professionnelle. L’objectif était ainsi de donner l’opportunité à chacun “de se former tout au long de la vie”, continue-t-elle dans le JDD.
Antoine Foucher de Quintet Conseil, s’était ainsi exprimé le 10 Novembre dans une intervention sur BFMTV pour parler de ce reste à charge CPF. Ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, il était l’un des artisans de la mise en place du CPF et avait ainsi déclaré : “C’est totalement contraire à l’esprit du CPF (...) Faire cela, c’est contraire au projet macronien d’émancipation via l’accès aux compétences”.
D'autres sont d’accord avec le fond mais s’insurgent de la manière avec laquelle cet amendement a été adopté. Le gouvernement a en effet rajouté au dernier moment cette mesure qui n’a pas pu donc être longuement débattue par les différents groupes parlementaires. Marc Ferracci, député Renaissance des Français de l’étranger, critique ainsi que les élus de la majorité “auraient dû être mis au courant plus tôt”.
Avec ce reste à charge, le gouvernement veut ainsi réguler les dépenses liées au Compte Personnel de Formation CPF, qui a considérablement augmenté ces dernières années. Le CPF représente ainsi 6.7 milliards d’euros au cours des trois dernières années.
Mais plutôt de voir cela comme une dépense, les critiques de cette réforme voient cette somme comme un investissement dans la formation continue des Français, pour assurer la montée en compétences dans une société de plus en plus globalisée.
Le gouvernement souhaite également diminuer les arnaques et les fraudes au CPF qui ont terni l’usage de ce dispositif. Pour cela, a déjà été mis en place l’Identité Numérique, qui permet de sécuriser la transaction via un système de vérification d’identité développé avec La Poste. Un processus qui peut être long et compliqué pour les personnes les moins digitalisées.
Une concertation avec les partenaires sociaux est ainsi prévue courant Janvier 2023 pour détailler la mise en place de ce dispositif.
Mise à jour Novembre 2023 :
Fin 2022, le gouvernement avait envisagé d'introduire une participation financière des salariés pour les formations achetées via le compte personnel de formation (CPF), dans le but de maintenir la pertinence des formations et de contrôler les coûts. Un amendement proposé pour le budget de 2023 envisageait une contribution proportionnelle ou forfaitaire. Cependant, cette mesure a été jugée moins prioritaire en septembre, et n'était pas incluse dans le projet de budget 2024.
Néanmoins, sous la pression de réaliser des économies, la majorité parlementaire a relancé l'idée sans amendement, mais avec un engagement du gouvernement à consulter les partenaires sociaux et à publier un décret pour début 2024. Cette mesure pourrait permettre d'économiser environ 400 millions d'euros. Les modalités précises, telles que le montant exact de la participation des salariés et les catégories concernées, restent à déterminer.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, trouve cette mesure "responsable et juste", tandis que le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a indiqué que le taux de 30% n'était pas définitif et pourrait être inférieur, en fonction du coût de la formation. Le reste à charge pourrait s'appliquer notamment si la formation n'est pas liée à l'emploi actuel ou au projet professionnel du salarié.